Comment les bibliothèques et systèmes d’archivage soutiennent-ils le conseil scientifique des parlementaires ?

Les bibliothèques parlementaires jouent un rôle essentiel dans le conseil scientifique en fournissant des informations fiables, objectives et actualisées aux législateurs. Elles mettent à disposition des bases de données, des rapports, des analyses techniques et soutiennent les comités parlementaires. Elles appuient l’évaluation des politiques publiques, luttent contre la désinformation et favorisent l’intégration de la science dans le processus législatif pour des décisions éclairées face aux enjeux complexes.

A cet effet, le RFICS et la Cellule scientifique de la Chambre des députés du Luxembourg ont inclut à l’agenda de la session de travail une table ronde intitulée « Bibliothèques et systèmes d’archivage parlementaires : pratiques de mise à disposition de publications scientifiques et collaboration avec les structures internes de recherche parlementaire ». Modérée par  France BRUNELLE du RFICS, elle faisait intervenir Christine MAYR et Estelle BECK de la Bibliothèque et Cellule archives de la Chambre des Députés du Luxembourg, Alexandre GAUTHIER de la Bibliothèque du Parlement du Canada, et Geneviève KIVITS de la Bibliothèque du Parlement fédéral de Belgique.

Acteurs clés pour l’information scientifique dans le processus législatif

Dans leurs exposés liminaires, les intervenants ont souligné le rôle stratégique de leur structures respectives dans le soutien à la législation et à la recherche parlementaire, tout en intégrant des technologies innovantes comme l’intelligence artificielle (IA) pour améliorer l’accès à l’information.

La Bibliothèque du Parlement fédéral de Belgique a mis en avant son indépendance et son impartialité, fournissant un soutien documentaire aux parlementaires, diffusant des lettres d’information, et formant les utilisateurs à la recherche documentaire. Celle du Parlement du Canada a évoqué son rôle dans la fourniture d’analyses approfondies, le soutien aux comités parlementaires, et la préservation du patrimoine documentaire. La Bibliothèque et Cellule Archives de la Chambre des Députés du Luxembourg ont décrit leurs travaux de valorisation du patrimoine et de soutien à la politique publique, tout en soulignant les défis liés à la transition numérique des archives.

Faciliter l’accès à l’information scientifique pour une prise de décision éclairée

Les bibliothèques parlementaires en Belgique, Luxembourg et Canada adoptent des stratégies variées pour garantir un accès rapide et de qualité à l’information scientifique fiable. La Belgique mise sur une recherche simplifiée, la numérisation et des partenariats pour offrir des documents sans frais. Elle développe également des projets d’IA pour automatiser les inventaires d’archives et forme continuellement ses équipes pour maîtriser le cycle de recherche. Un défi majeur reste la centralisation des demandes politiques dispersées. Pour l’avenir, renforcer la visibilité des bibliothèques est essentiel pour optimiser leur rôle dans le soutien aux parlementaires.

L’accès rapide aux sources scientifiques est une priorité. Comme l’indique un représentant canadien : « Ce qu’on remarque, c’est de plus en plus de demandes pour accéder directement à l’information. Nous essayons donc de développer les accès digitaux pour un maximum d’utilisateurs. Bien que ce ne soit pas toujours tenable financièrement, l’idée est de permettre aux utilisateurs d’accéder eux-mêmes à la formation, notamment pour les recherches simples. » Cette approche optimise la gestion documentaire et facilite l’accès aux publications essentielles pour les parlementaires, qui doivent prendre des décisions fondées sur des données fiables et actualisées.

Les bibliothèques jouent un rôle clé dans la diffusion d’informations pertinentes pour les parlementaires. La bibliothèque parlementaire du Canada assure l’accès aux ressources grâce à une équipe de cent analystes spécialisés, traitant chaque année entre 4 000 et 5 000 requêtes. « Nous faisons un retraçage une fois par mois dans notre catalogue et nous vérifions les nouveautés. Bien que nous ne puissions pas effectuer la veille de toutes les bases de données, nous nous concentrons sur celles qui nous concernent directement. Cela permet aux utilisateurs de rester informés sur les nouvelles acquisitions. » Cette veille documentaire garantit un accès constant aux dernières publications utiles aux parlementaires.

Ces stratégies permettent une gestion optimale des demandes d’information tout en répondant aux besoins spécifiques des parlementaires.

Vers une modernisation des archives parlementaires par l’innovation, le numérique et l’IA

La numérisation constitue un enjeu stratégique pour les bibliothèques parlementaires. L’archivage massif des documents facilite leur consultation en ligne sans déplacement. Au Luxembourg, l’optimisation de l’accès aux ressources électroniques passe par des partenariats avec d’autres institutions, permettant de réduire les coûts tout en élargissant l’offre documentaire. La coopération avec les détenteurs de bases de données, les bibliothèques internationales et les archives nationales permet aussi de préserver les données numériques. La mise à jour des collections selon les besoins des utilisateurs est une priorité pour garantir leur pertinence et leur accessibilité.

L’intelligence artificielle transforme la gestion documentaire et l’analyse des archives. En Belgique, un projet pilote explore son utilisation pour interroger les archives parlementaires. « Les premiers tests semblent indiquer que l’intelligence artificielle est un très bon outil pour nous permettre de faire en sorte que le résumé se fasse plus rapidement pour qu’on puisse se concentrer sur l’analyse. » De même, au Canada, l’IA est testée pour automatiser la synthèse des témoignages en commission et accélérer la rédaction des rapports. Cette automatisation permet aux analystes de se concentrer sur l’interprétation des données plutôt que sur leur collecte.

L’intégration des archives aux bibliothèques parlementaires est également une évolution en cours. Comme l’indique un représentant canadien : « Nous sommes un service distinct des archives. En ce qui concerne la documentation parlementaire, les éléments qui doivent y rester seront maintenus. Un projet de fusion des administrations de la Chambre et du Sénat est en cours, et il est très probable que les archives soient intégrées à la bibliothèque. » Ce projet pourrait rendre plus fluides les démarches d’accès à l’information en offrant un point de contact unique pour toutes les demandes documentaires, simplifiant ainsi le travail des parlementaires et de leurs équipes.

Personnalisation et formation : des services adaptés aux besoins des élus

Les bibliothèques parlementaires élargissent leurs activités en intégrant des initiatives culturelles, numériques et pédagogiques. Elles organisent des expositions, valorisent des collections anciennes et proposent des formations aux bases de données. Des conférences et débats sur des publications importantes favorisent l’échange d’idées et approfondissent les connaissances législatives et sociales. Cette diversification vise à répondre aux attentes des parlementaires et du public, tout en renforçant l’accessibilité à l’information. « On peut aussi offrir cette personnalisation pour chaque parlementaire, quelqu’un qui s’intéresse disons à une question scientifique. On peut s’assurer qu’il reçoit des articles scientifiques au quotidien dans sa boîte de réception. »

Dans cette dynamique, les services de documentation parlementaire jouent un rôle clé en assurant le prêt d’ouvrages et en constituant des dossiers législatifs pour soutenir les commissions parlementaires. Comme le souligne une intervenante belge : « On fait du prêt, on a une énorme collection […] on fait des dossiers documentaires législatifs pour les commissions en soutien du travail parlementaire. » La diffusion de dossiers thématiques, les recherches documentaires personnalisées et le suivi de la presse nationale et internationale font également partie des services proposés, permettant aux élus de disposer d’informations précises et adaptées à leurs préoccupations.

Cependant, la formation continue reste un enjeu important, notamment au Luxembourg, où elle est jugée insuffisante. L’évolution du conseil scientifique vise à faire de la bibliothèque une source fiable d’informations parlementaires, avec des campagnes de sensibilisation prévues sur des enjeux comme l’IA, en partenariat avec des experts. La gestion des collections suit l’évolution des domaines et les besoins des utilisateurs, avec des mises à jour régulières pour garantir leur pertinence. L’enjeu est de maintenir une veille efficace et d’adapter les services pour offrir aux parlementaires les outils nécessaires à une prise de décision éclairée.

Défis et perspectives d’avenir 

Les bibliothèques parlementaires en Belgique, Luxembourg et Canada rencontrent plusieurs défis, notamment la pression croissante des politiques pour des résultats rapides, la faible visibilité des bibliothèques, ainsi que le manque de formation continue et de maîtrise des bases de données. En Belgique, la centralisation des demandes politiques dispersées est un enjeu majeur, tandis qu’au Luxembourg, la numérisation du patrimoine et la collaboration avec des bibliothèques internationales sont essentielles pour garantir l’accès aux collections. Les trois pays partagent la nécessité d’améliorer la visibilité des bibliothèques et de renforcer les formations pour répondre aux besoins croissants des parlementaires.

Pour l’avenir, les perspectives de ces bibliothèques parlementaires incluent le renforcement de la numérisation et l’adoption de projets innovants comme l’IA pour automatiser l’analyse des archives. La Belgique mise sur des partenariats internationaux et des campagnes de sensibilisation pour accroître la visibilité, tandis qu’au Luxembourg, la priorité est donnée à la mise à jour régulière des collections et à l’intégration de la formation continue pour les scientifiques. Au Canada, l’utilisation de l’IA et des forums de collaboration sont des atouts pour améliorer l’efficacité. La gestion des langues et de la traduction constitue également un défi, notamment dans des contextes multilingues.

La modernisation des bibliothèques parlementaires, par la numérisation, l’intelligence artificielle et la collaboration interinstitutionnelle, permet de répondre aux besoins des parlementaires en matière de conseil scientifique, tout en facilitant l’accès à une information de qualité. Les bibliothécaires et les services d’archivage jouent un rôle clé dans la gestion des connaissances, soutenant ainsi les décisions législatives et préservant le patrimoine documentaire.

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Antoine Rauzy

Antoine Rauzy a une expérience de plus de 20 ans en pédagogie numérique et en relations internationales. Il partage son temps entre Sorbonne Université et l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), à Paris. Il a commencé sa carrière comme enseignant-chercheur, mathématicien à l’institut de mathématiques de Jussieu. Il est responsable d’action à l’ANR, agence française de financement de la recherche, et expert international en enseignement numérique. Il est membre du réseau européen HERE (Higher Education Reform Experts) et a siégé au conseil d’administration de plusieurs associations internationales sur ce sujet. 

Par ailleurs, Antoine a été en poste à l’ambassade de France au Canada sur les dossiers universitaires et scientifiques et a conseillé deux présidences d’université sur les questions internationales. Il a été associé à plusieurs négociations internationales sur des sujets universitaires et scientifiques à forts enjeux diplomatiques.