Mobilisation des connaissances scientifiques: Perspectives des élus et responsables institutionnels

Les services parlementaires de recherche soutiennent le travail législatif basé sur des preuves scientifiques. La table ronde intitulée « Perspectives des élus et responsables institutionnels sur la mobilisation des connaissances scientifiques», organisée par le RFICS et la Cellule scientifique de la Chambre des députés du Luxembourg lors de la session de travail des 6 et 7 mars 2025, explorait l’interaction entre l’instance scientifique et l’instance décisionnelle.

Modérée par Marc SCHILTZ, responsable de la Cellule scientifique de la Chambre des Députés du Luxembourg, elle faisait intervenir Gérard SCHOCKMEL, Président de la Commission de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de la digitalisation, Chambre des Députés du Luxembourg, Françoise KEMP, Vice-présidente de la Commission de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de la digitalisation, Chambre des Députés du Luxembourg, Romaric AKPOVO de l’Institut de recherche parlementaire, Bénin, Laurent SCHEECK, Secrétaire général de la Chambre des Députés du Luxembourg, et Michel BERMOND de l’ Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques de France (OPECST), France.

Cette session s’est concentrée sur l’interaction entre scientifiques et décideurs politiques, incluant les attentes des élus, la communication scientifique, les moments propices pour diffuser des informations, l’évaluation de l’impact et l’intégration de l’évaluation des politiques.

Les attentes des élus envers les services de conseil scientifique

Les parlementaires attendent des explications accessibles, claires et synthétiques. Comme l’indique Françoise Kemp, « ils ne veulent que des mots-clés, pas de jargon scientifique, que même un jeune de 18 ans pourrait comprendre pour acquérir rapidement une expertise». Il est essentiel que les informations fournies s’intègrent au cadre législatif, afin d’anticiper les conséquences sur différentes sphères.

Gérard Schockmel insiste sur la nécessité d’expérience au sein de la cellule scientifique. « Un jeune diplômé n’aura pas assez de recul dans des réunions avec 150 pages de documents à analyser ». La réactivité est aussi essentielle : « La cellule scientifique doit être extrêmement rapide, car l’agenda politique évolue vite et les médias demandent rapidement des explications. »

La question du refus d’une demande parlementaire divise les avis. Romaric Akpovo explique que « toutes les requêtes sont filtrées selon des critères déontologiques et éthiques », tandis que Michel Bermond précise que « l’Office est saisi formellement par courrier du président de la commission et ne fixe aucun critère de filtrage ».

Une communication efficace des avancées scientifiques et technologiques

Les parlementaires ont des préférences variées en matière de communication scientifique. Françoise Kemp préconise les échanges directs : « L’informel est préférable, car il permet une réaction immédiate et des clarifications instantanées, tandis qu’un texte écrit laisse place à des interprétations personnelles. »

En revanche, Schockmel estime que « les deux approches sont complémentaires et doivent être utilisées conjointement ».

L’importance de la méthodologie scientifique est aussi mise en avant. Kemp, mathématicienne, rappelle que « les chiffres peuvent être manipulés, donc la méthodologie est essentielle pour garantir l’objectivité des résultats ».

Les moments opportuns pour la transmission de renseignements scientifiques

Les informations scientifiques doivent être diffusées au bon moment pour être pertinentes. L’agenda politique étant en constante évolution, il est primordial que la cellule scientifique s’adapte et fournisse des analyses au moment clé des discussions parlementaires.

Laurent Scheeck souligne que « depuis quatre ans, la cellule scientifique joue un rôle essentiel dans l’amélioration des travaux législatifs en produisant des notes de recherche qui enrichissent et transforment les débats ».

L’évaluation de l’impact et de l’efficacité du conseil scientifique

L’impact du conseil scientifique est un sujet central. Sa légitimité repose sur sa capacité à éclairer les décisions sans parti pris politique. Michel met en avant l’importance « d’établir un règlement intérieur et de nouer des partenariats avec les députés pour mieux les servir ».

Bermond précise que les nouveaux parlementaires « intègrent déjà une structure qui leur permet de s’adapter naturellement, sans formation spécifique ». Il souligne aussi l’existence d’une « culture apolitique, où les députés comprennent leur mandat et évitent de politiser les travaux de l’Office ».

Intégration des options scientifiques dans la décision politique

L’intégration des options scientifiques dans la prise de décision politique doit tenir compte des dimensions sociales, économiques et juridiques. Françoise Kemp explique que « la frontière entre science et politique est souvent floue, et la science ne fournit pas toujours des données claires et immédiatement exploitables ».

Un autre député luxembourgeois nuance : « Les questions purement politiques peuvent être identifiées et soit refusées, soit élargies pour inclure d’autres aspects pertinents ».

Laurent rappelle que « toute question est en réalité politique, mais la cellule scientifique doit bien faire son travail pour ne pas tomber dans ce piège, même si elle ne formule aucune recommandation ».

L’évaluation des politiques ex-ante et ex-post dans le conseil scientifique

L’évaluation des politiques, qu’elle soit prospective ou rétrospective, est essentielle pour mesurer l’efficacité des décisions prises sur la base des données scientifiques.

Dans ce cadre, l’OPECST joue un rôle clé. Composé de 18 députés et 18 sénateurs, il s’appuie sur un conseil scientifique de 24 experts et effectue des états des lieux à la demande du Sénat, des parlementaires ou de groupes politiques.

Enfin, Bénin met en avant l’importance des collaborations internationales, précisant que « l’Institut sert alors de relais pour mobiliser des ressources et appuyer ces réseaux dans leurs travaux scientifiques ».

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Antoine Rauzy

Antoine Rauzy a une expérience de plus de 20 ans en pédagogie numérique et en relations internationales. Il partage son temps entre Sorbonne Université et l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), à Paris. Il a commencé sa carrière comme enseignant-chercheur, mathématicien à l’institut de mathématiques de Jussieu. Il est responsable d’action à l’ANR, agence française de financement de la recherche, et expert international en enseignement numérique. Il est membre du réseau européen HERE (Higher Education Reform Experts) et a siégé au conseil d’administration de plusieurs associations internationales sur ce sujet. 

Par ailleurs, Antoine a été en poste à l’ambassade de France au Canada sur les dossiers universitaires et scientifiques et a conseillé deux présidences d’université sur les questions internationales. Il a été associé à plusieurs négociations internationales sur des sujets universitaires et scientifiques à forts enjeux diplomatiques.