Conscient que la valorisation du conseil scientifique peut jouer un rôle déterminant dans le processus de développement durable des pays francophones, le Réseau francophone international en Conseil scientifique (RFICS), s’est proposé d’animer annuellement des ateliers sous-régionaux ou conférences sous-forme de cadres de réflexion, d’échanges de pratiques ou de capacitation sur le conseil scientifique. C’est dans ce sillage qu’a eu lieu, du 11 au 12 juillet 2024, le premier atelier sous-régional d’Afrique de l’Ouest francophone à Dakar, au Sénégal, sous le thème « Innovations et tendances en conseil scientifique aux Gouvernements », en partenariat avec le Fonds de Recherche du Québec, bureau du Scientifique en Chef, l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), l’Académie nationale des Sciences et Techniques du Sénégal (ANSTS) et CODE Africa.
Une volonté ferme de dynamiser la pratique du conseil scientifique dans l’espace francophone
Premier d’une longue série d’ateliers du même type dans différentes régions du monde, cet atelier s’inscrivait dans l’objectif du RFICS de développer un écosystème propice au Conseil scientifique dans l’espace francophone pour promouvoir l’élaboration de politiques publiques éclairées par les données scientifiques. Il visait spécifiquement à réfléchir sur les moyens de développer le conseil technico scientifique en Afrique de l’Ouest et d’assurer son association dans la formulation et la mise en œuvre des politiques publiques.
Ses principales articulations étaient de présenter le RFICS avec ses missions, objectifs et activités, répertorier les organes de conseil scientifique en spécifiant leur structure fonctionnelle, procédures, relation avec les décideurs et cas d’études majeurs, identifier les difficultés, les besoins et les opportunités des praticiens et décideurs en matière de Conseil scientifique.
L’atelier s’est ouvert sur des allocutions de représentants des institutions et organisations qui incarnent, chacune selon son domaine d’action, la promotion de l’utilisation du savoir scientifique dans les politiques publiques, que ce soit au niveau local, national, régional ou international. Il s’en est suivi une série d’expériences internationales sur le conseil scientifique, présentées par l’UNESCO (Direction régionale pour l’Afrique de l’Ouest), l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) de France et l’Institut de la Francophonie pour l’Education et la Formation (IFEF). Une séance plénière sur les mécanismes de conseil scientifique dans la sous-région a permis d’écouter les missions et rôles des Académies des sciences et des Conseils économiques et sociaux (CES) dans le conseil scientifique, à travers les académies du Bénin, du Burkina Faso, de la Guinée, du Mali, du Sénégal et du Togo, et des CES du Niger et du Sénégal. Puis, des ateliers délibératifs ont permis d’explorer les instruments de conseil scientifique à travers deux ateliers transdisciplinaires et multisectoriels avec d’une part les académies des sciences et les CES, et d’autre part les autres experts, toutes compétences confondues.
Des acteurs engagés pour promouvoir l’utilisation du savoir « en français »
La cérémonie d’ouverture de l’atelier était l’occasion, pour chacune de ces structures, de souligner davantage la pertinence du RFICS et d’indiquer son rôle joué ou envisagé, pour apporter sa pierre à l’édifice de cette mission commune, d’inclure la science dans les politiques.
En tant que co-hôte de l’atelier au Sénégal, le Président de l’ANSTS, Monsieur Moctar Touré, a rappelé la mission collective des acteurs invités, précisant qu’une intégration plus efficace de la science dans les politiques publiques permettra non-seulement de relever les défis actuels, mais aussi préparer un avenir plus prospère et résilient pour les générations à venir. Il a d’emblée exhorté les missions diplomatiques et les organisations internationales présentes à la cérémonie, à se joindre l’initiative du RFICS et à contribuer au plaidoyer auprès des autorités gouvernementales pour assurer le plein succès d’un conseil scientifique à hauteur des besoins.
Rappelant la filiation francophone du RFICS depuis le XVIIIe Sommet de la Francophonie en 2022, Mme Mona Laroussi, Directrice de l’IFEF, a souligné le rôle prioritaire de l’action du RFICS pour la promotion de la science ouverte et du conseil scientifique, afin d’accélérer le partage des savoirs et des contenus scientifiques, en particulier en langue française. Elle a par ailleurs cité les opérateurs directs de la Francophonie, en particulier l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) et l’Université Senghor, comme des piliers essentiels pour le succès du RFICS et pour la réalisation des objectifs de la Francophonie en matière de science. Initiative émanant du Scientifique en Chef du Québec, le Professeur Rémi Quirion, telle que précisée par le Délégué général du Québec au Sénégal Monsieur Iya Touré, le RFICS se veut ainsi la branche francophone de l’International Network for Government Science Advice (INGSA) pour soutenir l’exploitation des résultats de la science « en français ». Le programme de « Scientifique en résidence », qui permet à des scientifiques de travailler au sein de certaines représentations du Québec à l’étranger et vise à renforcer la capacité d’innovation et le conseil scientifique dans les administrations publiques, est un bel exemple pour impulser cette dynamique.
Monsieur Dimitri Sanga, Directeur régional de l’UNESCO pour l’Afrique de l’Ouest, a souligné que « l’UNESCO œuvre en matière de conseil scientifique à travers ses vastes programmes scientifiques intergouvernementaux et la production de rapports mondiaux emblématiques, tels que le Rapport mondial sur la Science et les Rapports mondiaux sur la mise en valeur des ressources en eau, et utilise ses instruments normatifs internationaux comme de véritables cadres d’action et de conseil scientifique ». Ceci arrive comme solution à l’écart considérable observé, « entre les connaissances scientifiques produites et disponibles, et les utilisations au sein du processus décisionnel des Etats autant dans la formulation, l’exécution et l’évaluation des politiques publiques ».
Le ministère de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MERSI) du Sénégal, représenté par son Directeur général de la Recherche et de l’Innovation, le Professeur Amadou Gallo Diop a, pour sa part, insisté sur quelques initiatives du gouvernement sénégalais en matière d’utilisation du savoir scientifique dans la stratégie nationale de développement, avec, au sein du MESRI, des directions d’implémentation et de suivi.
Établir les balises pour améliorer la pratique du conseil scientifique en Afrique de l’Ouest
Réunissant les représentants des académies des sciences et techniques et les experts en conseil scientifique de tous les pays francophones d’Afrique de l’Ouest, l’atelier sous-régional s’est voulu un lieu par excellence d’échange et de partage d’idées et de pratiques. La présence des représentants des Conseils économiques et sociaux du Niger et du Sénégal a permis un maillage d’interventions à la lumière des activités de ces institutions qui ont une position d’intermédiation entre les structures de conseil scientifique et les décideurs publics.
De la même manière, la présence du Président Directeur général l’ANR, le Professeur Thierry Damerval, ainsi que du Secrétaire général du Fonds national pour la Science, la Technologie et l’Innovation (FONSTI) de Côte d’Ivoire, le Dr Sangaré Yaya, a permis d’avoir des regards extérieurs et différents sur les enjeux de financement des structures de conseil scientifique. La présence de l’ancien Président du Comité consultatif du RFICS en la personne de Monsieur Lassina Zerbo, a été déterminante pour visualiser la perspective de préparer activement la relève sur le conseil scientifique avec une composante jeunesse. Cette diversité d’acteurs a permis d’avoir des ateliers délibératifs à la fois riches, ouverts et pleins de perspectives sur les différents sujets abordés.
Au sujet des divers mécanismes et structures existants pour fournir des conseils scientifiques, les discussions ont mis en lumière l’importance d’avoir des structures flexibles et adaptées aux contextes nationaux spécifiques, avec un appel très clair à regarder au-delà de la cible classique centrée sur les autorités publiques.
Au sujet de l’éthique et l’indépendance scientifique, les délibérations ont confirmé la nécessité de garantir la liberté et l’impartialité du conseil scientifique pour le mettre à l’abri de toute influence politique, un enjeu crucial pour maintenir la crédibilité et la pertinence des conseils fournis.
Au sujet de la communication et des interactions entre les acteurs, les délibérations ont souligné l’importance d’une communication novatrice et efficace entre les scientifiques et les décideurs politiques, afin d’assurer une compréhension et une utilisation optimales des données et des analyses scientifiques. Après une séance de restitution par des rapporteurs de différents groupes constitués, le RFICS s’est engagé à utiliser les données et les informations recueillies à bon escient pour assurer une bonne conduite de sa mission dans un processus qui implique tous les acteurs concernés.
En note finale, les acteurs ont salué le choix de l’Afrique comme terreau du tout premier atelier du RFICS, et reconnu ce choix comme témoignage de la priorisation d’un continent qui offre des situations et des expériences diverses et contrastées sur les mécanismes et instruments de conseil scientifique. Ils ont ainsi exhorté le RFICS à rester dans la même optique, dans le processus de mise en place des recommandations qui ressortiront des ateliers régionaux, tout en renouvelant leur engagement à agir et contribuer à la mobilisation des pairs pour améliorer la pratique du conseil scientifique dans la région, et dans tout l’espace francophone.