CLICS – Intégrer les données probantes aux décisions politiques : un défi constant

Le 24 septembre 2025, le Club de Lecture International en Conseil Scientifique (CLICS) s’est réuni pour la 8ième fois depuis sa création.

Cette rencontre mensuelle a permis aux participantes et participants d’explorer collectivement un texte marquant du domaine: « Utiliser des données probantes (pour la prise de décision) : quelles sont les pratiques efficaces ? » de Jonathan Breckon et Jane Dodson. Cet article, traduit récemment en français pour la collection Les Incontournables de la revue TUC,  propose un examen systématique des pratiques qui favorisent réellement l’utilisation des résultats de recherche dans la prise de décision publique, un enjeu au cœur des préoccupations du RFICS.

La discussion, riche et multidimensionnelle, a mis en lumière la complexité de la relation entre recherche scientifique et action politique. Si la valeur des données probantes n’est plus à démontrer, leur intégration effective dans les processus de décision demeure un défi constant.

Des clés pour comprendre l’utilisation des données probantes

Les participantes et participants ont d’abord souligné l’importance de la temporalité dans l’usage des résultats scientifiques. Comme l’a exprimé une praticienne du conseil scientifique, même des données solides risquent de rester lettres mortes si elles sont introduites au mauvais moment du cycle de politique publique. Identifier et exploiter les « fenêtres d’opportunité » devient ainsi une condition essentielle pour transformer la recherche en politique publique.

La question des structures formelles a également été centrale. Une autre participante a rappelé qu’en Haïti, malgré des efforts d’évaluation, il n’existe pas de mécanismes institutionnels permettant de traduire systématiquement ces résultats en décisions concrètes. Ce constat illustre un paradoxe fréquent dans l’espace francophone : la recherche existe, mais son utilisation reste entravée par des manques organisationnels ou des obstacles culturels.

Un chercheur a, pour sa part, insisté sur le rôle des narrations et symboles. Selon lui, les données chiffrées et les modèles statistiques ne suffisent pas à convaincre les décideurs et le grand public. La recherche doit aussi s’incarner dans des récits porteurs de sens, capables de traduire l’abstraction scientifique en enjeux concrets et mobilisateurs.

Enfin, un professeur a rappelé que la littérature recensée par Breckon et Dodson se concentre largement sur le secteur de la santé. Cette spécialisation pose la question de la transférabilité des mécanismes vers d’autres domaines comme l’économie, l’éducation ou l’action sociale. Pour élargir l’impact des données probantes, il faut réfléchir à des approches adaptées à chaque secteur, mais aussi comparables et intégrées à l’échelle gouvernementale.

Défis et perspectives

Les échanges ont permis d’identifier plusieurs défis cruciaux pour l’avenir du conseil scientifique en francophonie :

  • Communication scientifique : comment simplifier les résultats sans en trahir la complexité ? La tension entre rigueur académique et attractivité médiatique reste vive, surtout à l’ère des contenus viraux.
  • Capacités ministérielles : dans plusieurs pays, les ministères manquent de personnel formé pour analyser et appliquer les données probantes. La collaboration avec les universités et centres de recherche apparaît dès lors incontournable.
  • Culture organisationnelle : au-delà de la sensibilisation, il s’agit de transformer les normes professionnelles afin que l’usage de la recherche devienne un réflexe institutionnel et non une exception.
  • Renforcement des capacités scientifique : différents participants ont souligné l’importance de renforcer les capacités scientifiques au sein de la francophonie et de multiplier les partenariats internationaux pour créer des réseaux plus solides et influents.

Ces défis ne sont pas insurmontables, mais ils exigent une action concertée et continue. Les discussions du CLICS démontrent combien le partage d’expériences et la comparaison de contextes peuvent aider à trouver des solutions adaptées.

Le CLICS : un espace pour façonner l’avenir

En réunissant des chercheurs, des praticiens et des étudiants de divers horizons, le CLICS offre un espace unique pour réfléchir ensemble à l’usage stratégique des données probantes dans les politiques publiques. Chaque rencontre contribue à renforcer les capacités d’utilisation de la science dans l’espace francophone.

Les rencontres du CLICS sont réservées aux membres du RFICS. Si vous souhaitez participer à ces échanges et contribuer à enrichir la réflexion collective, nous vous invitons à devenir membre du RFICS. Les prochaines rencontres du CLICS auront lieu les 15 octobre et 19 novembre 2025, suivant le rythme habituel du troisième mercredi du mois.

Rejoignez-nous pour faire partie de cette communauté qui travaille à rapprocher science et décision publique, et ainsi bâtir des politiques éclairées.

Pour devenir membre, cliquez ici.

15 octobre :

Tirard, S. (2022). Le conseil scientifique Covid-19 : une approche épistémologique. Annales des Mines – Responsabilité & environnement, 108(4), 82-85.

19 novembre :

Arnhold, V. (2022). La difficile différenciation entre recherche et expertise Un projet partenarial sur la filière nucléaire après Fukushima. Genèses, 129(4), 88-115.

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Portrait rapproché d’Antoine Rauzy.

Antoine Rauzy

Antoine Rauzy a une expérience de plus de 20 ans en pédagogie numérique et en relations internationales. Il partage son temps entre Sorbonne Université et l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), à Paris. Il a commencé sa carrière comme enseignant-chercheur, mathématicien à l’institut de mathématiques de Jussieu. Il est responsable d’action à l’ANR, agence française de financement de la recherche, et expert international en enseignement numérique. Il est membre du réseau européen HERE (Higher Education Reform Experts) et a siégé au conseil d’administration de plusieurs associations internationales sur ce sujet. 

Par ailleurs, Antoine a été en poste à l’ambassade de France au Canada sur les dossiers universitaires et scientifiques et a conseillé deux présidences d’université sur les questions internationales. Il a été associé à plusieurs négociations internationales sur des sujets universitaires et scientifiques à forts enjeux diplomatiques.